“Vous vous-y verrez peut-être” : Aristide Bernetière et l’art du “déjà-vu”

En retrait de la rue nationale de Villefranche-sur-Saône, passé l’arc poétique de l’ancienne mairie, se niche l’Office Culturel de la ville, salon contemporain des artistes de la région. À compter du 21 juillet, et pour une dizaine de jours, Aristide Bernetière fit sien ce salon, en y installant son univers.

Un prénom qui présageait l’artiste

Ce ne sont pas mes mots, mais ceux de nombreux visiteurs : son prénom semblait le prédestiner. Lors de l’exposition, on pensait souvent à Aristide Briand. Mais à la différence d’un homme politique, notre artiste ne gouverne pas, il orchestre les émotions et les couleurs. Maître de la composition et du silence, il guide le regard, installe l’émotion, et signe chaque œuvre avec discrétion.

Quand l’imaginaire se mêle au monde réel

Pourquoi “Vous vous y verrez peut-être” ? Et quelle est l’intention derrière toutes ces œuvres ? Chers lecteurs, laissez-moi vous en dire un peu plus.

Vous est-il déjà arrivé de rêver de quelqu’un qui vous semble familier, et qu’au réveil, ses traits vous échappent ? Vous passez la matinée, parfois plus, à tenter de retrouver un détail, un indice, un fragment… mais rien ne revient, ou alors si furtivement que cela s’évanouit aussitôt.

Ou bien, à l’inverse : avez-vous déjà croisé le regard d’un inconnu, et eu le sentiment, l’espace d’un instant, de tout comprendre ? Comme si ce visage vous révélait quelque chose de plus grand que lui.

Peut-être est-ce le propre des âmes sensibles… mais je suis prête à croire que vous savez, au fond, de quoi je parle.

AMK, 2023

Dans chacune des œuvres présentées ici, l’artiste cherche à palier ses absences de mémoire par le dessin. La chimère s’incarne alors directement sur le papier. Grâce au trait singulier et brut du créateur, elle devient visible. Peu à peu, elle prend corps et se fait tangible sous les coups du crayon à papier.

Au-delà des apparences, ce sont des états d’âme qui traversent le spectateur : une multitude de personnalités aux regards troublants, captivées dans des compositions harmonisées.

Ainsi, chacun peut projeter sa propre interprétation en chaque personnage, et peut-être même s’y retrouver.
Tentez l’expérience, si ce n’est pas encore fait !

Le temps d’un regard

Ce qui captive notre artiste, et certainement vous, aussi, ce sont les yeux. Reflets de l’âme, ils sont le lien qui fait vibrer chaque univers, sur chaque toile, avec celui qui le regarde.

« Pourquoi dessinez-vous des visages si tristes ? » Voilà une question que l’on pose souvent à Aristide. Sa réponse est presque une évidence : à son sens, la tristesse appelle toujours plus à la réflexion que la joie. Elle est une émotion profonde, authentique, qui dévoile une fragilité sincère — la vérité nue de l’âme.

Piqûre, 2024

Par exemple :

Le personnage, ici, esquisse une moue particulière — souvent comparée à celle d’Isabelle Adjani. Son regard se porte vers un point, que l’on découvre à gauche de son visage.

Ce point, c’est celui d’une souffrance à la fois intérieure et physique : celle d’une personne, comme tant d’autres, tourmentée par une addiction.

De l’équilibre dans l’imaginaire

La série de tableaux qui se déploie sous nos yeux est une parenthèse onirique, un écrin de songes peuplé de mondes et de figures que seul l’imaginaire peut atteindre.

Les visages y surgissent dans un espace suspendu, profond, structuré par des formes géométriques et des éclats de couleur.

Lorsqu’un être s’incarne, il lui faut un lieu pour exister. La toile devient alors, pour l’artiste, à la fois un espace d’expression et un terrain d’équilibre.

Les couleurs, projetées à la bombe puis parfois modelées à l’aide d’un simple morceau de carton, sont longuement réfléchies. Chacune trouve sa place pour composer un ensemble à la fois harmonieux et habitable. L’enjeu est de créer un espace où les personnages peuvent exister pleinement — et qui, en retour, laisse entrevoir quelque chose de leur essence.

Dessins de l’artiste - 2025

Enfin, Aristide, c’est avant tout une riche collection de dessins, marqués par le style si singulier de l’artiste. Lors de son exposition, un grand nombre d’entre eux retraçaient cinq années d’évolution, tant artistique que technique. En voici un aperçu ci-dessus.

Pour ma part, j’ai un véritable coup de cœur pour celui du milieu. Et vous, lequel attire le plus votre regard ?

Instagram : aristide_bernetiere